Ne pas respecter les droits linguistiques, c’est affaiblir le Canada

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Chaque matin, Paul se lève avant le lever du soleil. À 6 h 45, il prend l’autobus et traverse plusieurs quartiers pour se rendre à son école, située à plus d’une heure et demie de route. Le soir, il refait le même trajet en sens inverse. Lorsqu’il franchit enfin le seuil de la maison, le soleil se couche déjà. Paul a six ans.
Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. Ce scénario est le quotidien de nombreux élèves francophones du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF). Pour les familles qui souhaitent que leurs enfants reçoivent une éducation en français dans cette province, trouver une école publique francophone à proximité demeure un véritable défi.
L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule pourtant clairement que les citoyens dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité linguistique de leur province ont le droit à une instruction primaire et secondaire dans cette langue. Ce droit fondamental ne relève ni du débat ni de la convenance : il constitue une pierre angulaire de l’unité canadienne. Le négliger ou le bafouer revient à affaiblir les valeurs mêmes sur lesquelles repose notre pays.
En Colombie-Britannique, le CSF — unique conseil scolaire publique francophone de la province — fait face à des défis systémiques que ne connaissent pas les districts anglophones. Alors que ces derniers couvrent des zones géographiques précises et limitées, le CSF, lui, doit desservir l’ensemble du territoire provincial.
Malheureusement, les infrastructures et le financement dont il dispose ne tiennent pas compte de cette réalité unique. Résultat : des écoles installées dans des bâtiments temporaires et des familles confrontées à des choix irréalistes.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 50 000 élèves sont admissibles à l’éducation en français en Colombie-Britannique, mais seuls environs 6 000 sont inscrits dans les écoles du CSF. Pourquoi près de 90 % des élèves admissibles renoncent-ils à recevoir une éducation dans la langue de la minorité ? Parce que les obstacles — distance, manque d’infrastructures, ressources insuffisantes — sont tout simplement trop lourds à surmonter.
Une école francophone est bien plus qu’un lieu d’apprentissage. Elle est un pilier culturel et communautaire essentiel. Lorsqu’un élève francophone n’a pas accès à une éducation équivalente à celle offerte aux élèves anglophones, le message envoyé est clair : le bilinguisme est un principe que l’on vante en théorie, mais que l’on ne respecte pas dans les faits.
Cela doit changer. En 2020, la Cour suprême du Canada a rappelé que les provinces ont le devoir de garantir une éducation en français réellement équivalente à celle offerte en anglais. Appliquer pleinement cette décision signifie : des écoles accessibles, des infrastructures adéquates, et la fin de l’injustice vécue chaque jour par des milliers d’enfants comme Paul. L’égalité réelle ne peut plus attendre.
Lors de la dernière élection fédérale, les droits des francophones en milieu minoritaire ont occupé une place importante dans les débats sur l’identité et la culture canadiennes. Le Parti libéral s’est engagé clairement à « promouvoir l’éducation en français partout au pays en collaborant avec les provinces et les territoires pour investir dans les espaces éducatifs et communautaires, notamment les services de garde et la petite enfance, qui desservent les communautés de langue officielle en situation minoritaire ».
Cet engagement reconnaît à juste titre le rôle fondamental de l’éducation en français dans le renforcement du tissu culturel canadien. Il est maintenant temps que le nouveau gouvernement tienne parole, en investissant de manière concrète dans l’éducation en français, pour soutenir et protéger nos communautés francophones d’un bout à l’autre du pays.
Nous croyons que le Canada est plus fort et plus uni lorsqu’il reconnaît pleinement les droits linguistiques comme un pilier de sa culture. Et nous appelons tous les Canadiens et Canadiennes à en faire autant.
Ce soir, lorsque vous borderez votre enfant, imaginez devoir le réveiller demain avant 6 h pour qu’il fasse trois heures de transport — simplement pour avoir le droit d’apprendre dans l’une des deux langues officielles du pays. Accepteriez-vous cela ?
Marie-Pierre Lavoie
Présidente, Conseil d’administration du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique
Simon Cloutier
Président, Fédération nationale des conseils scolaires francophones
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Ignoring Linguistic Rights Weakens Canada
Paul wakes up every morning before sunrise. By 6:45 a.m. he is on a bus, traveling through multiple districts on his way to his destination, more than an hour and a half away. At the end of the day, he embarks on the same trip back home. By the time he walks through the door, the sun is already setting. Paul is six years old.
Sadly, this is not an isolated case. Paul’s situation is the daily reality for several French-speaking students in School District 93, the Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF). For families seeking French-language education in British Columbia, attending a francophone public school in their neighborhood remains difficult.
Under section 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, Canadian citizens « whose first language learned and still understood is that of the English or French linguistic minority population of the province in which they reside […] have the right to have their children receive primary and secondary school instruction in that language in that province.” This essential right serves to preserve and promote minority culture in Canada. It is not up for debate. It is not an issue of convenience. It’s a foundational norm of Canadian unity. To ignore or undermine this right is to compromise values that define Canada.
In British Columbia, the CSF — the province’s only French-language public school district — faces systemic challenges unknown to English school districts. While other school districts serve limited, well-defined areas, the CSF serves the entire province.
The CSF’s limited infrastructure and funding mechanisms do not reflect this unique reality and its obvious implications, which results in schools housed in temporary buildings and families confronted with unrealistic options.
The numbers tell the story. While over 50,000 students in British Columbia are eligible for French-language education, only 6,000 are enrolled in CSF schools. Why are close to 90% of eligible students choosing to forgo minority language education? Because for too many families, the barriers—distance, lack of infrastructure, and insufficient resources—are simply overwhelming.
French-language schools are institutions of learning, but they are also much more than that: they are irreplaceable cultural and community anchors. When francophone students do not receive the same access to education as their English-speaking peers, the message is clear: bilingualism is a principle we celebrate in words, but not in deeds.
This must change. In 2020, the Supreme Court of Canada reaffirmed the provinces’ duty to ensure that French-language education is truly equivalent to that available to English-speaking students. Fully enforcing this ruling would mean accessible schools, proper infrastructure, and, ultimately, an end to the injustice faced by thousands of children like Paul. Real equality cannot be delayed any longer.
In the recent federal election, the rights of francophones living in minority settings were central to discussions of Canadian identity and culture. In its platform, the Liberal Party clearly committed to “promote French-language educational pursuits across Canada by collaborating with provinces and territories to invest in educational and community spaces, such as early learning and childcare that serve official language minority communities”. This commitment recognized the essential role that French-language education plays in reinforcing Canada’s cultural fabric. The time has come for the new government to fulfill its promises by ensuring meaningful investments in French-language education, thereby concretely supporting and protecting francophone communities across the country.
We believe that we are stronger and more united when we truly recognize linguistic rights as a pillar of Canadian culture, and we encourage all Canadians to see them as such.
Tonight, when you tuck your child into bed, imagine waking them before 6 a.m. tomorrow for a three-hour daily commute—just so they can study in one of Canada’s official languages. Would you accept this?
Marie-Pierre Lavoie
Présidente, Conseil d’administration du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique
Simon Cloutier
Président, Fédération nationale des conseils scolaires francophones
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